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Technologie et fracture sociale

15/03/2000
De plus en plus nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour s'émouvoir du fossé séparant les populations technologiquement "défavorisées" et "nanties". Des associations se sont même vu jour, qui livrent un combat acharné pour essayer de réduire cette "nouvelle fracture". On voit ainsi se monter à grands frais des expéditions pour aller équiper en informatique telle école d'Afrique ou du fin fond de la Chine, parce que "l'avenir est informatique", et que "ceux qui n'en sont pas sont les exclus de demain".

Louables initiatives. Mais prenons un peu de recul, et regardons le monde au travers d'un autre objectif que celui du "nanti technologique", justement.

Que voyons-nous ? L'évolution des technologies ne cesse de s'accélérer, leur coût de production ne cesse de baisser et, partant, les technologies récentes se démocratisent de plus en plus rapidement. Il n'y a qu'à étudier le temps qu'ont mis les innovations de ce siècle à pénétrer les couches sociales les moins favorisées pour le comprendre : Comparer le temps qu'a mis le lecteur de DVD à passer des couches favorisées à celles moins favorisées à celui qu'avait mis en sont temps le magnétoscope pour faire le même chemin, permet de se faire une idée de ce phénomène sur une échelle de temps très réduite. En transposant le raisonnement dans le domaine culturel, et sur une durée beaucoup plus étendue, il est également possible de comparer la démocratisation du livre à celle de l'informatique…

Il me semble important de ne pas se tromper, sinon de combats, au moins de priorités. Si le "fossé technologique" est une composante indéniable de la fracture sociale, ce n'est vraisemblablement pas la principale, ni la plus urgente à traiter. Avant de vouloir connecter tous les peuples de la terre sur Internet au nom du droit à la culture, à l'expression, ou au commerce électronique (sans pour autant nier leur importance), commençons peut-être par aider ces mêmes peuples à s'assurer le droit à la nourriture, à la santé, et à la dignité.

Se préoccuper d'équiper des peuples en informatique et autres technologies de pointe, alors qu'ils (ou leurs proches voisins) sont victimes dans le même temps, et dans le désordre, de malnutrition, dictateurs, conflits et massacres en tous genres me semble en effet à la limite de l'obscénité.

A une autre échelle, et plus proche de chez nous, je ne pense pas qu'une grande part du "malaise des banlieues" soit imputable au "sous-équipement technologique" des habitants des "cités". Et si l'informatique est une des clefs favorisant l'insertion dans le monde du travail (et donc de la société), il en est d'autres à restaurer de façon bien plus urgente ; Comme une éducation scolaire forte (l'illettrisme revient à grands pas dans nos pays "développés"), ou la présence de repères et de valeurs telles que la valorisation de l'individu...

Bien sur, l'investissement nécessaire dans les deux domaines n'est pas le même. Et il est sinon compréhensible au moins habituel, que nos gouvernants ne soient pas motivés pour la deuxième solution, bien plus chère et difficile à mettre en œuvre que la première…



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